excuse-moi notre enfant
excuse-moi parce que je ne suis pas cohérent
j’ai commencé par pérorer
que je ne voulais pas alimenter l’ubumanité
qu’il fallait éradiquer le virus
le priver d’aliment, l’affamer jusqu’à ce qu’il crève
le terrasser de toute sève
et puis le présent de tes parents
s’est un jour aventuré sur une boucle inconnue
incertaine, neuve, existentielle
tu arrivais
et quand j’ai su que tu étais dans nos ventres
je t’ai accepté sur l’instant
trop rapidement pour être juste
en un instant tu as modifié la carte de mes priorités
je te voulais fort, tu sais
j’acceptais que la vie apparaisse
j’acceptais enfin de grandir
passer de l’autre côté
c’est l’expansion qui me glace
mais la vie encore me brûle
d’amour je suis tissé
il suffisait juste d’un peu plus tricoter
toujours responsable je voulais t’accueillir
te chérir, te donner une chance d’être humain
créer ton propre chemin
excuse-moi petite étincelle
déjà je sentais en moi ta chaleur
je te caressais de la main
et tu me souriais
tu étais dans nos ventres
éclair de clarté dans le tube froid et glacé de la destinée
tu étais si présent, si réel
j’ouvrais encore un peu plus mon cœur
le gonflais d’une nouvelle dimension
plan soulevé si fort qu’il devient raz-de-marée
feuille de papier accolée en volume
une nouvelle page à tourner
j’irradiais l’amour comme jamais
mais je ne peux pas
je ne peux pas
te garantir un amour sans problèmes
une vie facile sans murs à construire
je ne fais que commencer à charpenter
pas de fondation, peut-être même pas de plan
juste le respect de la vie
et voilà qu’à cause d’elle, j’opte pour son contraire
parce que je ne veux pas avorter l’amour
alors j’évite une possibilité
c’est terrible tu sais
dire non alors qu’on voudrait dire oui
malgré toute notre technique
on ne fait que reculer les choix
et j’ai choisi
la voie qui me semble juste
à quoi sert un triangle
si on ne sait pas tenir une droite ?
excuse-moi
peut-on demander au ciel de pardonner
une étoile qui n’est pas née ?
excuse-moi quand même possibilité
la seule compensation que je peux t’offrir
tiens en une volonté :
je reviendrai
ce n’est qu’un sale au revoir
un au revoir poli au désespoir et à la tristesse
pleurs de ce qui aurait pu être et ne sera pas
ici et maintenant
dans ce plan
je te retrouverai pourtant
tu es encore là, juste pas matérialisée
juste présente entre ces lignes
je sais que tu files poussière dans le cosmos
ne t’inquiète pas
fleur d’humanité
je saurai bien t’attraper une autre fois
te donner cette chance
qu’aujourd’hui je ne t’offre pas
pardonne-moi de te tuer
je ne le fais qu’au nom de l’amour
que je veux te donner
pour l’affermir et lui donner suffisamment de force
pour te garantir un panier en osier douillet
je préserverai tous ceux qui t’ont fait
à jamais, notre enfant, à jamais
tout le long de mon segment
je me battrai pour te retrouver
