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ah manger ! ah le bonheur de croquer dans un aliment doré, mouillé,
juteux, sec, odorant, spongieux - un de ces trucs qui vous enrobe les
papilles gustatives, te les malaxe comme un boxeur sur son sac de latte,
un de ces trucs qui pue et vous file une haleine qui en impose là.
Bonne chère, très cher, c'est lécher à l'avance
l'avalanche de chair.
faire le gourmand gourmet au moins deux bouchées. une pour se familiariser,
une pour confirmer.
se bâfrer aussi. s'en mettre plein la lampe, fringale post-pétard
ou de petit matin, envie de quelque de chose de TRES sucré ou de
TRES salé.
et le ventre bien content qui s'alourdit, s'arrondit, montgolfière,
irradie d'une douce chaleur. un ptit bébé dans le ventre
- fera chier bientôt digéré - le destin des niards.
ah mener grand train, ptit dèj multinational, un peu de poivre
sur ma confiture, un nuage de lait dans ma bière, et toi ? seulement
un chaud chocolat. bien. mais pourquoi tu tires la grimace ? ce n'est
pas sale. pis tu sais, c'est merveilleux que tu sois là, mais franchement
je vais pas te manger.
ça, mon amour, si tu n'étais pas là, j'arriverais
à tenir ma cuiller, mais t'es là et ma main droite s'arrête
où commence ta liberté.
dodo. conscience qui se chiffonne au rythme des froissements du drap.
dans mon rêve, je me baladais à vélo sur une route
plantée de bananiers, serpentant sur des collines harassées
- y avait comme un air de reggae et béatement j'exhalais Jah. mes
cuisses, de beaux jambons ciselés, s'exhibaient à chaque
coup de pédale, tandis que mes épaules lamelles roulaient
sous la caresse du soleil.
puis réveil. chaque partie de la peau qui s'étire, se dilate,
se tend - pas la peine d'en dire plus: belle mentalité.
se marrer tout le temps. rien n'est sérieux. ce n'est pas sérieux.
je te montre les dents, car je suis fort et j'ai des caries - n'empêche,
sourire étincelant.
oui mais tout ça, ça donne faim. alors après le
kawa, la cigarette, le tarpé, pis justement, c'est bien fait la
nature, si on allait se vider ? un ptit quatre heures. à deux ou
à six. heures.
l'est temps de faire quelque chose de constructif. la méditation
a du bon.
on s'emmerde peu pendant longtemps et même pendant un instant, le
monde se transforme en douche d'or avec des odeurs d'encens dans l'pif,
comme en soixante-dix. quand je n'en profite pas pour faire des rêves
d'amour. avec toi, bien sûr, qui d'autre que toi ?
parfois j'écris aussi - ou je bétonne - ou la cuisine est
astiquée. je transforme un peu parce que j'ai utilisé.
finie la construction. on s'étend le corps à corps à
la façon des chats, dans les rais zobliques qui transpercent les
stores. on ronronne, on s'en tamponne, on frissonne - merde, ça
sonne.
l'exercice ça donne faim. manger, manger encore - boire aussi,
sentir la rivière sans retour couler en arrachant les parois de
l'sophage, gentiment mettre le feu aux boyaux avant de s'attaquer
au cortex en passant par la face Nord. avec de l'eau se découvrir
parapluie à milliers de baleines - le long desquelles ruisselle
la lame de l'épée.
un thé au pétale de rose ? le jour où je mettrai
ma robe de chambre mauve, je ne suis pas contre - mais là, question
subtilité
j'ai plutôt envie de vaincre mon estomac
- le seul maître que je veux encore dominer -un boulet dans sa face,
un gigantesque poulet dans ma besace - y a que ça.
ah être repu ! tartiné des deux côtés, de la
moelle épinière au trou du cul. ne plus pouvoir avancer.
se poser. ah ! être ivre ! et ne pas tomber dans un lyrisme déjà
pratiqué !
le corps qui s'absente, excusez, pardon, je ne fais que passer, serpentant
au milieu des danseurs allumés, des sièges bien rembourrés.
la table ne fait pas encore la gueule de bois et se transforme en autel
de passe.
ne reste que mes chimères, mes mystères, mon imaginaire.
ah être pété, défoncé, raide, mort,
raide-mort, chéper, high et toutes sortes d'états fédérés
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
ah faire l'amour ! pas seulement jouir mais sentir dès nos regards
qui forniquent sentir l'odeur de nos sexes déjà maculés
s'éveiller, tendre leur bras chaloupés, dans lesquels nous
nous lovons énergiques.
ah faire la bête humaine, trop humaine ! tirer la langue, avoir
le souffle court, car on transforme, on transforme toute la sphère
en de la matière, on se sent au delà de la jonction - han
mon amour ! han c'est merveilleux de te défoncer, de me faire englober,
de sentir chaque millimillimètre de gagné de chaque côté
- oh comme mon corps est bien, dérobé à la mémoire
morte, dans la fulgurance du traitement - han ! nos membranes, membres
d'ânes qui nous entraînent sur la voie des brahmanes.
la jouissance aussi - et ce moment unique où tous flasques nos
sexes s'extasient. ondes, arbre du monde, tout part de nos tempes accolées.
je n'ai pas qu'un corps. je n'ai pas qu'un esprit. j'ai une succession
de ces choses tellement rapide que ça en fait une continuité
- courant changeant de pôles alternativement - et j'en suis bien
content.
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